
Portrait de Victoria Ultraaa : Drag Queen, étudiante, et dévergondée
Etudiant le jour et Drag Queen la nuit, Malone de son nom de scène « Victoria Ultraaa » est une star montante du drag nancéien. Dans les bars, à la MDE ou en battant le pavé pour le Sidragtion, Victoria Ultraaa se dévoile « comme à son habitude ».
Photographie de Victoria ultraaa, Campus Lettres de Nancy, le 28 mars 2025 [Photo : De Julie SYLVESTRE]
Victoria Ultraaa c’est la jeune fille qui réussit à être copine avec tout le monde, sauf le tissu. Dès la nuit tombée, Malone enfile sa perruque et affiche sur son visage un maquillage perfectionné jusqu’à la dernière minute. Apparaît alors Victoria Ultraaa, l’incarnation divine d’une strip-teaseuse déchue. Malgré ce que l’on peut penser au premier regard « c’est une fille joviale qui a l’air d’être mauvaise mais en fait elle est super sympa ». Considérée comme une extension de Malone en puissance 1000 « Victoria Ultraaa se permet de faire ce que Malone ne pourrait pas faire dans la vie de tous les jours, et elle se donne à fond pour le faire ». Le temps d’une soirée, elle brise les codes et montre une version décuplée de Malone dans un drag défini en trois mots : « Peu, De, Tissu ».
Dépourvue d’un talent dans le chant, elle s’est lancée comme objectif d’« être la pop star que je ne peux pas être ». Femme à l’imagination débordante, elle pioche de nouvelles idées quotidiennement au travers des autres artistes et Queen qui l’entourent. Fan de la franchise Drag Race, Victoria évoque ne pas chercher l’extravagance : « Je m’inspire en grande partie des premières saisons américaines, celles où elles arrivaient dans l’émission en jean et t-shirt […] pas quelque chose de trop spectaculaire, pas de très grandes robes. ».
Grandement inspirée par ce qu’elle trouve sur les réseaux sociaux, elle prépare ses maquillages et performances très minutieusement. Internet prend une place importante dans la naissance de Victoria Ultraaa. Ennuyé pendant le confinement, Malone trouve par hasard sur Netflix l’émission Rupaul’s Drag Race « J’ai découvert le drag au travers de l’émission, je n’avais jamais vu de drag Queen auparavant ». Ce coup de cœur pour le drag fut instantané « J’ai dû regarder 7 ou 8 saisons pendant le confinement ». Passionné par l’émission, Malone s’est questionné pendant quelques années sur cette passion naissante. À son arrivée à Nancy, la scène drag commençant à s’installer dans la ville, Malone décide d’assister à ses premiers shows drag « Le déclic s’est fait instantanément, j’ai réalisé que je pouvais en faire et que je pouvais être sur scène ». Après réflexion, Malone commence à s’initier sans grandes convictions dans l’apprentissage du maquillage chez lui.
« J’ai commencé le drag à la pride de Nancy en 2024, et c’est là que j’ai compris : je me sens grave vivant, on va continuer. J’ai de l’argent, je vis seul, c’est l’heure ». Victoria Ultraaa venait de prendre forme.
L’artiste s’empresse d’ouvrir un compte Instagram et commence à apparaître à l’improviste dans les différents shows de la ville. « Ma première scène officielle c’était en octobre » évoque la drag Queen qui a, depuis cette scène, participé à d’autres, notamment la DragMania qui s’est déroulée le 26 février à la Maison des Étudiants de la faculté de lettres de Nancy. Engagée et fière, Victoria Ultraaa a défilé le 22 mars aux côtés d’autres artistes drag dans les rues de Metz. L'événement intitulé Sidragction a permis la récolte de dons afin de servir la cause du Sidaction. Elle voit le drag comme un art qui se veut difficile à définir.

Photographie de Victoria ultraaa, Campus Lettres de Nancy, le 28 mars 2025 [Photo : De Julie SYLVESTRE]
Qualifié d’art libre, voire même le plus libre de tous, le drag n’est pas seulement de la scène ni un art où tout doit être parfait. « Tu es là, tu as ton mascara, de l’eye-liner et ta perruque à 5€, tu peux faire ton drag. C’est un art libre, politique. Il faut juste avoir l’envie de s’y mettre et de se faire plaisir. » exprime-t-elle. À travers son drag, elle estime que sa présence est déjà, par essence, un aspect politique « La vision d’une drag Queen, un drag King ou autre créature est déjà à elle seule un statut politique ». Victoria Ultraaa c’est l’âme de la fête.
« Regarde l’autre sur scène avec ses cheveux emmêlés, ça fait trois fois elle mange ses cheveux, elle a un faux-cil qui bat de l’aile, bah on s’en fout, on profite du moment, c’est fun et je suis belle. »
Entre les soirées et les études, Malone se doit de garder le rythme. Les lendemains sont parfois compliqués à assumer et peuvent être difficiles « Il y a des moments où je me dis qu’il y a 7h j’étais Victoria et là je suis en cours ». Les soirées drag étant souvent le week-end, Malone estime ne pas avoir de soucis à se faire « Tant qu’il n’y a pas la perruque, Victoria n’est pas présente, ça n’est que l’extension de Malone ». En deuxième année de licence d’information et communication, ses cours ne l'influence pas grandement quant à son identité en tant que drag Queen. Néanmoins, cela lui arrive d’être présente à des évènements et d’utiliser ses notions de cours : « Quand j’assiste à des évènements j’aime bien regarder les affiches et me dire que si jamais je viens à créer un évènement je pourrais gérer moi-même la communication de celui-ci ». Maîtrisant le drag, elle réussit à lier sa passion à ses cours en utilisant ses connaissances dans certaines copies plus libres, des réflexions artistiques et des métaphores. « Mon drag influence plus mes études que l’inverse » estime-t-elle.
Être Drag Queen pour Victoria Ultraaa c’est avant tout une passion. Elle ne souhaite pas se lancer dans un projet professionnel de suite car elle voit le drag comme un art et se professionnaliser est compliqué. « Je n’y ai jamais trop pensé. Pour l’instant je suis dans mes études et je n’ai pas envie de trop me prendre la tête » explique-t-elle. Selon Victoria, le drag est d’abord un art et un moyen de s’exprimer, « je ne fais pas du drag pour faire de l’argent ». S’engager dans une professionnalisation du métier est un poids à porter d’après l’artiste : « Je fais du drag car j’en ai l’envie, je n’ai pas envie que quelque chose que j’aime devienne une source de stress ». Ouverte à l’idée d’une carrière si les portes s’ouvrent à elle, ce n’est pas son souhait principal. Elle reste coincée par la peur de finir par détester et perdre le plaisir que lui apporte cet art libérateur. Victoria Ultraaa est une drag Queen qui n’a pas froid aux yeux et sûre d’elle. Cette artiste prête à tout pour monter sur scène souhaite avant tout partager son charisme et son audace au public.