Les sorcières oubliées
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la ville de Nancy et le théâtre de la Manufacture proposent des visites de la Porte de la Craffe.

Lecture de l’essai de Mona Challet « Sorcières, la puissance invaincue des femmes » par l’artiste Claire Cahen [Photo : Emily-Rose GAERING]
Poignante et expressive, Claire Cahen donne vie aux textes de Mona Chollet. Ces textes retracent l’histoire de la condition des femmes du Moyen-Âge à la Renaissance, tout en nous exposant des faits de la société actuelle. Un regard imposé par les hommes, dont les femmes subissent encore les conséquences. Des représentations qui ont façonné le monde qui est le nôtre.
Bien plus qu’une porte…
Construite au XIVe siècle, ce dernier vestige des fortifications médiévales de la ville n’a pas été qu’une simple porte d’entrée. Ses tours ont servi de prison jusqu’au XIXe siècle. Composée de 5 étages de cellules et de fenêtres barricadées sur trois niveaux, les femmes suspicieuses n’y ont pas échappé.

La porte de la Craffe [Photo : Emily-Rose GAERING]
Des icônes féministes
Les sorcières sont souvent considérées comme des icônes féministes en raison de leur association avec le pouvoir féminin, l'autonomie et l’énergie.
Guérisseuses, magiciennes… Le terme de « sorcière » n’apparaît qu’aux alentours de 1430. Il est le résultat d’une diabolisation de la femme sortant du cadre normatif de la société d’autrefois, celles qui ne se soumettent pas au modèle familial. Parmi les femmes persécutées, nous retrouvons les veuves, les célibataires, les femmes âgées, toutes celles qui ne se soumettent pas à l’autorité patriarcale.
Des siècles de souffrances…
La Lorraine, championne de chasse aux sorcières, connaît son âge d’or au XVIIe siècle. À Nancy, à cette époque, près de 900 femmes y ont laissé la vie pour des accusations extravagantes, bien souvent injustes et teintées de misogynie.
Accusées de conspiration contre la chrétienté, soumises à l’autorité du diable, dévoreuses de cadavres, telles sont les croyances associées à ces femmes, n’ayant que pour but de survivre dans une société qui les pointe du doigt.

Une des deux cellules du sous-sol de la Porte de la Craffe [Photo : Emily-Rose GAERING]
Torture et mort
De multiples techniques ont été employées pour torturer les femmes accusées de sorcellerie et leur imposer un sort, celui de la mort.
L'épreuve du bain consiste à jeter une femme accusée de sorcellerie dans l'eau. Si elle coule et se noie, elle est considérée comme innocente. En revanche, si elle flotte et émerge à la surface, elle est jugée coupable de sorcellerie.
La détection de la marque du diable chez les femmes accusées de sorcellerie implique une inspection minutieuse de chaque partie du corps. Si une femme ne réagit pas à une piqûre d'aiguille sur la marque, elle est considérée comme une sorcière. Souvent, l'intensité de la douleur ressentie par les femmes détermine leur destin, beaucoup s'évanouissant sous l'épreuve.
Outre la mort par le bûcher, tout aussi épouvantable, trois autres méthodes de torture étaient permises en Lorraine comme les grésillons, l’échelle et l’estrapade.
Des femmes inspirantes
La visite de la Porte se déroule sur quatre des cinq étages autrefois utilisés pour emprisonner les femmes. Renversement de l’usage d’origine, la médiatrice présente des femmes qui ont eu un impact sur la société à travers l’histoire. Passant de Maria Leszczynska à Marie Marvingt, une émancipation partant des racines de la famille à l’éducation, du travail à l’aventure.
Parmi les figures emblématiques citées, on retrouve la première bachelière Julie Daubié, l’artiste d’art nouveau Rose Wilde, la cheffe d’entreprise Henriette Gallé, l’écrivaine Françoise de Graffigny, la brodeuse Madeleine Didion, l’artiste Marie-Paule Alice Courbe.
Emily-Rose GAERING