Le Soudan : une guerre dévastatrice pour les civils


Plongé dans une guerre civile depuis avril 2023, le pays d'Afrique de l'Est lutte pour sa survie avec une population qui tente de résister malgré l'ampleur du chaos.

Le Soudan est ravagé depuis plus de deux ans par une guerre civile d’une violence extrême, opposant l’armée nationale soudanaise (SAF) aux Forces de soutien rapide (RSF), une force paramilitaire autrefois alliée du pouvoir. Ce pays d’Afrique de l’Est, déjà marqué par des décennies de dictature, de conflits ethniques et de crises économiques, sombre chaque jour un peu plus dans le chaos. 

Tout commence en avril 2019, lorsque le dictateur Omar el-Béchir est renversé après 30 ans de règne autoritaire. Un espoir naît alors : celui d’un pays plus libre, plus démocratique. Un gouvernement de transition voit le jour, composé de civils et de militaires dans un équilibre encore fragile. Cependant, en 2021, un nouveau coup d’État militaire interrompt brutalement cette transition. Deux hommes accèdent alors aux commandes du pays : Abdel Fattah al-Burhan, chef de l’armée régulière, appelé forces armées soudanaises (surnomées SAF, Sudanese Armed Forces), et Mohamed Hamdan Dagalo, alias "Hemedti", chef des forces de soutien rapide (surnommées RSF, Rapid Support Forces). Initialement unis par des intérêts communs, notamment pour écarter les civils du pouvoir et préserver leur influence économique et militaire après la chute d’Omar el-Béchir, Abdel Fattah al-Burhan et Mohamed Hamdan Dagalo finissent par s’affronter violemment en avril 2023. La tension monte entre les 2 hommes également dans leurs prises de parole publiques. « Ce que les RSF font est un crime contre l’humanité », accuse Burhan. Hemedti réplique : « Nous ne négocierons pas avec un criminel. » Chacun cherche à prendre le contrôle du pays : Burhan a pour objectif de préserver l’autorité de l’armée régulière sur l’État, et Hemedti veut, quant-à-lui, sécuriser ses vastes intérêts économiques (notamment dans l’or) et asseoir son pouvoir politique. 

Depuis le début des hostilités, le pays s’est progressivement transformé en champ de bataille. La population en subit directement les conséquences, notamment dans les grandes villes comme dans la capitale du pays, Khartoum. Omdurman et la région de Darfour sont également devenues des zones de guerre. Les civils sont les premières victimes de ce conflit. Entre bombardements aériens, combats de rue, exécutions sommaires et pillages, la vie quotidienne est devenue extrêmement difficile. Les chiffres sont alarmants : plus de 150 000 morts selon l’Agence Anadolu, dont plus de 61 000 à Khartoum selon une étude de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. On compte, à ce jour,  12 millions de déplacés à l’intérieur et au-delà des frontières, selon l'International Rescue Committee

La région du Darfour : épicentre des massacres et de la famine

Cette zone instable se trouvant à l’ouest du pays, déjà marquée par un génocide au début des années 2000, est à nouveau le théâtre de violences massives. À El-Geneina, dans le Darfour-Ouest, entre 10 000 et 15 000 personnes ont été tuées dans des attaques qualifiées de crimes contre l’humanité selon un rapport de l'ONU en 2024. En avril 2025, les RSF ont attaqué le camp de déplacés de Zamzam, causant la mort d’au moins 400 civils. Accueillant plus de 200 000 personnes selon l’ONU, Zamzam est l’un des plus grands camps de déplacés du Soudan. Cibler un tel lieu envoie un message glaçant : même les espaces censés protéger les plus vulnérables ne sont plus à l’abri.

La guerre est à l’origine d’une grave crise humanitaire provoquant la famine, le manque d’accès aux soins et la fermeture de nombreux hôpitaux. Les combats ont détruit les infrastructures essentielles, perturbé les chaînes d’approvisionnement alimentaire et empêché les organisations humanitaires d’acheminer aide et médicaments en toute sécurité. Les ONG comme Médecins Sans Frontières ou la Croix-Rouge, jouant un rôle crucial pour venir en aide aux populations vulnérables, sont contraintes de réduire leurs opérations face aux violences, aux restrictions d’accès et aux risques pour leurs équipes sur le terrain. Les attaques répétées contre des camps de déplacés et des établissements de santé aggravent la vulnérabilité des civils. L’effondrement économique, la dévaluation de la monnaie locale et les sanctions internationales limitent davantage les ressources disponibles.


Un peuple debout malgré tout

Des comités de résistance populaire organisent une solidarité locale : distribution de pain, création d’écoles clandestines, relais d’informations malgré la censure. C’est le cas des Comités de Résistance Populaire (CRP), des groupes locaux qui coordonnent l’entraide et la mobilisation dans différents quartiers, et de la Sudanese Professionals Association (SPA), une coalition d’organisations de la société civile. À cela s’ajoute Radio Dabanga, une station indépendante qui diffuse des informations essentielles malgré les restrictions imposées par les autorités. « Nous avons perdu notre maison, mais pas notre humanité », confie Leila, une habitante de Nyala (ville située dans la région du Darfour), dans une interview accordée à France 24. C’est par leur solidarité et leur détermination que la population parvient à garder la tête haute. Nour, activiste à Port-Soudan, déclare à Al Jazeera : « Même sans armes, nous continuerons de nous battre pour notre dignité. » 

Malgré l’ampleur du conflit, la guerre au Soudan reste peu présente dans les grands médias internationaux. D’après une enquête menée par YouGov en octobre 2023, 75 % des Américains déclarent ne pas bien comprendre ce conflit, dont 31 % pas du tout. Cette faible visibilité médiatique limite la pression extérieure, réduisant ainsi les chances de voir les parties en présence entamer des négociations de paix. Le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé à un cessez-le-feu humanitaire en avril 2025 pour permettre l’acheminement sécurisé de l’aide aux populations civiles, la protection des infrastructures vitales comme les hôpitaux ainsi que l’ouverture de la voie à des négociations visant à mettre fin au conflit. Malgré cela, les combats continuent : les deux camps ne se disent prêts à perdre le contrôle du pays.




Anissa BERKAT

01 Juillet2025