Le métier de scénariste est l’un des métiers auxquels on pense instantanément lorsque l’on parle du monde cinématographique, tout comme ceux de réalisateur, acteur, producteur ou caméraman. Pourtant il est d’avis notoire qu’il s’agit d’un métier précaire où nombre de jeunes scénaristes plus ou moins talentueux peinent à survivre voir y échouent. C’est un métier où les contacts priment et ne pas en avoir mène parfois à l’échec. De plus, la rémunération peut dépendre de la nature ou du statut du commanditaire et du degré d’excellence du scénario délivré, ce qui amène souvent à une précarisation de la profession. Les grands studios abusent souvent de la passion qu’éprouvent les scénaristes pour leur travail en ne les payant pas assez comparé au travail produit.
Les prémices de cette grève :
Le 5 novembre 2007, les scénaristes États-uniens ont fait grève pendant 100 jours afin de faire entendre leurs droits quant à leur rémunération sur les programmes auxquels ils ont participé. Cette grève s’est soldée sur une victoire de la part de la WGA le 3 février aboutissant à de meilleurs contrats proposés par les studios. Sans cette grève, les studios auraient pu négocier ce qu'ils voulaient à leur guise avec les scénaristes, les rémunérant comme bon leur semble.
16 ans plus tard, le 2 mai, les membres de la WGA après plusieurs négociations ont décidé de se remettre en grève. Pourquoi ? A cause des rémunérations jugées trop faibles ainsi que pour une autre raison et qui revient de plus en plus dans les débats actuels, la place de l’IA dans leur métier. Ils craignent que dans l’industrie, leur place ne soit cédée à des ordinateurs capables de générer des scénarios à volonté ainsi que les dialogues des personnages.
Bender, personnage de Futurama [Crédit photo]
Cf image : nous en avons un bon exemple avec l’une des scènes de la dernière saison de Futurama tournant la situation au ridicule. Bender remplace des scénaristes qui commençaient à littéralement mourir d’épuisement, on a donc une machine prenant leur place car elle peut faire la même chose, sans se fatiguer et sans se faire payer.
Un évènement sans précédent dans l’industrie
Les syndicats de scénaristes ont constaté que l’industrie cinématographique ne s’est jamais aussi bien portée mais que, pourtant, les scénaristes gagnaient moins d’argent qu’auparavant. Leur entrée en grève a donc paralysé plus d’un programme notamment plusieurs late show ainsi que beaucoup de gros films à venir (Deadpool 3, Avatar 3, Beetlejuice 2, etc…) ou des séries comme la saison finale de Stranger Things ou la saison 2 de The Last of Us.
Les studios ont d’abord refusé d’accéder aux demandes des scénaristes, rendant la grève encore plus longue et faisant perdre beaucoup d’argent à ces derniers mais également aux studios eux-mêmes, on estime que 500 millions de dollars auraient été perdus par la Warner durant la grève.
Les scénaristes ont également été rejoints durant cette période par les acteurs, ces derniers venaient soutenir leurs collègues mais aussi parce qu'ils désiraient que l’usage cinématographique de leur image soit mieux encadré. Les possibilités nouvelles induites par l’IA impactent le métier d’acteur ainsi que l’on a pu le constater dans le dernier Indiana Jones. Leur intervention dans la grève a ainsi paralysé les prochaines sorties de certains films notamment car ils ne sont pas là pour en faire la promotion.
Les conséquences de cet évènement
Mais que va-t-il se passer à présent ? La grève s’étant finie le 27 septembre et s’achevant sur une victoire de la part des syndicats, les salaires ont été augmentés pour les scénaristes et ont aussi obtenu des garanties quant à l’utilisation de l’IA dans leur travail. Néanmoins, les services de streaming ont dû, suite à ces changements, augmenter le coût de leur plateforme : Netflix, Disney + ou Amazon Prime sont touchés par cette inflation au grand dam de leurs utilisateurs. Mais, à contrario, cette victoire syndicale bénéficiant à ceux qui écrivent nos divertissements préférés, ne peut-on dire alors qu’il s’agit-là d’un mal pour un bien ?
Nils DEBOUT