« Chez moi, il n’y a pas de mauvaise réponse, il n’y a pas de bon ni de mauvais chemin. » S. Jean-Noël PIERRE, auteur-réalisateur et enseignant à l’Université de Lorraine
S. Jean-Noël PIERRE est auteur-réalisateur et intervenant au sein du Campus Lettres et Sciences Humaines. Il dirige des cours de pratiques audiovisuelles. C’est dans une ambiance décontractée en face à face que Jean-Noël évoque sa volonté, il y a 6 ans, de devenir intervenant.
S. Jean-Noël PIERRE

En tant qu’auteur-réalisateur, S.Jean-Noël Pierre partage son expérience avec les étudiants de l’Université de Lorraine. Il intervient au sein de nombreux établissements scolaires tels que l’IUT Nancy-Charlemagne, au sein du Master Journalisme et Média numérique de Metz, au lycée Vauban au Luxembourg ainsi qu’à la faculté de lettres de Nancy. C’est grâce à cette volonté de devenir enseignant un jour qu’il rend son métier peu concevable pour certains, à portée de main pour d’autres.
Est-ce que vous pourriez expliquer plus précisément votre métier ?
Je définirais mon métier en 3 parties (selon un format triptyque), une première partie serait l’alimentaire (la réalisation d'événements sportifs pour la télévision, intermittent du spectacle, travailler pour Roland Garros, les JO…). La deuxième partie, au centre, c’est la création (documentaire et court métrage de fiction). Puis, la troisième, à droite, c’est la transmission et l’échange avec la nouvelle génération.
Avec toutes ces responsabilités, comment trouvez-vous le temps d'enseigner à Nancy ?
Pour moi, Nancy à une place symbolique importante. À 18 ans, je suis arrivé en tant qu’étudiant étranger dans cette ville alors que je vivais à l’île Maurice. J’ai découvert la France et la vie seule à tous les niveaux d’un étudiant étranger. Aujourd’hui, à travers mon expérience et mes compétences, ça me tient à cœur d’enseigner à Nancy. C’est un nouveau cycle qui redémarre chaque année.
Pourquoi avoir décidé de devenir intervenant ?
J’ai cette volonté de transmettre, de partager mon expérience et d’échanger sur de la création. Je pars du principe que je vais autant vous apprendre qu’apprendre de vous.
Devenir intervenant, c’est quelque chose que vous avez toujours voulu faire ?
Si j’avais fini mon doctorat, j’aurais été uniquement prof. Seulement je voulais faire autre chose à côté. Je veux être professeur mais en tant qu’intervenant. Il y avait ce besoin de trouver un équilibre entre les 3 points (alimentaire, créatif, transmission). Faire les mêmes horaires tous les jours, se lever à la même heure, c’est quelque chose que je ne pense pas réussir à faire.
Quel était votre objectif quand vous avez commencé en tant qu’intervenant ? A-t-il changé ou évolué ?
Je ne crois pas que ça ait changé, mais grâce à l’expérience, je suis plus à l’aise. En sachant que sur un cours de 2h, je vais faire des parenthèses pour enrichir mon cours, ce que je n’aurais pas osé faire il y a 6 ans. Mon objectif, c’est que mon cours soit un vrai TD, dans lequel les élèves parlent autant que moi (même si je parle beaucoup). Avec les personnes réservées, l’idée est de les bousculer tout en les confortant, il faut qu’ils se sentent à l’aise. Chez moi, il n’y a pas de mauvaise réponse, il n’y a pas de bon ou de mauvais chemin. Je préfère avoir une méthode empirique (utilise son expérience pour nous instruire). Mon cours est tout sauf fondamental, on va plutôt expérimenter des choses, apprendre à s’organiser avant d’opérer.
Dans l’enseignement, sur la forme, avez-vous des difficultés à enseigner ?
Non, mais il y a deux points déjà qui sont la base pour moi. C’est le respect et être en adéquation avec nos valeurs lorsqu’on est dans l’échange avec les étudiants. C’est vraiment cette idée de sortir du côté cloisonné de la société, être davantage proche des élèves et échanger avec eux.
Ça vous inspire d’être auprès des générations plus jeunes ?
L’échange avec les jeunes, ça permet d’ouvrir des horizons et de continuer à voir des choses différentes. La génération Z évolue, elle est née dans les technologies. Je suis conscient que la dessus, ils ont sûrement plus à m’apprendre.
Pour ce qui est de l’écriture, tout m’inspire pour écrire, mais c’est rangé quelque part dans le disque dur. Il y a des choses qui me viennent et ça peut devenir une scène de film. Les joies, les peines, les colères…
Pourquoi mettre en avant l’aspect théorique dans vos cours, mais privilégiez l’aspect pratique dans la réalisation ?
Quand j’étais plus jeune, je trouvais les cours trop théorique et il me manquait des notions. J’ai donc fait de cette faiblesse, une force, avec le côté empirique (par expérience) il n'y a rien de mieux selon moi. Après cette expérience pratique, on va revenir, prendre du recul, débriefer et, ensuite, poser la théorie. Ce m’est chère c’est le fait de me dire que c’est par notre propre expérience qu’on va avancer.
Vous demandez aux élèves de réaliser un documentaire ou un court métrage. Quelles sont les principales difficultés que vous pouvez avoir avec les étudiants ? Certains ont des difficultés à comprendre, à s’impliquer ?
Je pose un cadre très strict au début, dont le respect, et essayer de faire participer tout le monde. On ne rigole pas d’une mauvaise réponse car ça va fermer la personne.
Je défini le cadre, il y a des années où certains étudiants ne comprennent pas et c’est à moi d’accepter qu’ils ne sont pas dans cette phase là et de les laisser cheminer. D’autres sont plus enclins à essayer de produire quelque chose.
Remarquez vous une évolution des thèmes ou des mentalités dans les réalisations faites par les étudiants en six années d’enseignement à l’Université ?
Il y a certains thèmes récurrents qui reviennent. Je crois que l'objectif est de se l'approprier de façon personnelle. Je suis arrivé deux ans avant le covid, et, après la pandémie, les sujets n’étaient plus les mêmes. Je ne peux pas dire que l’étudiant ne va pas bien, mais il a quelque chose dans l’anxiété qui est plus présent. Je me dis aussi que si le cours leur permet d'extérioriser cela, qu’ils fassent. Du moment que c’est dans les règles ça me va. Il y a tout de même des thèmes plus légers, plus funkie, ils sont moins présent mais quand même là. Chacun parle de ce dont il a envie de parler.
Allez-vous continuer d’enseigner à la fac ?
Oui, j’ai la volonté de continuer. Le temps me dit de ralentir, mais je pense qu’il faut trouver un bon équilibre entre tout ça.
“Je ne peux pas dire que l’étudiant ne va pas bien, mais il a quelque chose dans l’anxiété qui est plus présent.”
Valentine SERRANO-ROLAND
14 avril 2025