Afghanistan : 3 ans après le retour des Talibans


Samedi 26 octobre, le gouvernement taliban a promulgué une loi qui interdit aux femmes de discuter entre elles. Une nouvelle entrave aux droits, déjà peu nombreux, des femmes afghanes.


Drapeau de l'émirat islamique d'Afghanistan

Le 15 août 2021, les Talibans pénètrent Kaboul, capitale de l’Afghanistan. Le palais présidentiel est investi. 20 ans après avoir été chassés par l’armée américaine, les Talibans signent leur retour à la gouvernance. Depuis lors, le pays s’enfonce dans une crise économique et sociale. La population est surveillée, contrôlée, et oppressée au nom d’une loi islamique radicale. Voici déjà plus de 3 ans que les Talibans se sont établis en chefs du pays, une occasion pour revenir sur les grandes lignes du nouveau régime afghan.

Droits des femmes


Alors que les promesses du gouvernement taliban étaient de préserver le droit des femmes au sein de la société, la réalité est bien différente. Les femmes afghanes n’ont fait qu'observer la diminution quasi-totale de leurs droits humains depuis plus de trois ans. Dès leur retour, les Talibans remplacent le ministère des Affaires féminines par le ministère de la Promotion de la vertu et de la Répression du vice, chargé de faire respecter la loi islamique. Les femmes sont évincées d’emblée du monde politique. Au fil des mois, les mesures sont devenues de plus en plus liberticides. À l’origine, il avait été interdit aux femmes de travailler en dehors de leur domicile, puis cette interdiction s’est étendue jusqu’aux salons de beauté que les femmes afghanes tenaient chez elles. Leur place en société est devenue si dérisoire qu’au-delà de l’obligation de se couvrir intégralement, il leur est aussi interdit de s’exprimer en public, et même, depuis le 26 octobre, de discuter entre elles. L’Afghanistan est devenu le seul pays au monde où les femmes n'ont plus le droit d’aller à l’école. « J’espère que toutes les filles d’Afghanistan pourront, un jour, de nouveau étudier librement, partout, dans tout le pays, pas seulement dans des endroits secrets comme celui-ci. » déclare, dans un reportage TF1, Tamana, une institutrice clandestine. Paradoxalement, du côté du gouvernement, le discours est autre « Je peux seulement dire que nous n’interdisons pas l’éducation aux femmes. Les universités sont juste fermées jusqu’à nouvel ordre. » explique Mohamad Sayeb Hakif, porte-parole du gouvernement, au sein d’un reportage ARTE. Plus d’un an après cette déclaration, le statut des universités n’a toujours pas changé.


Femme en burqa

Le fléau de la drogue


En 2022, le gouvernement taliban déclarait sa volonté d’éradiquer la drogue, un fléau qui ronge le pays depuis de nombreuses années. Jusqu’alors, l’Afghanistan était le premier exportateur mondial de pavots à opium, destinés à la confection d’héroïne. En une année seulement, « la culture du pavot destiné à la production d’opium a plongé d'environ 95% en un an en Afghanistan […] passant de 233.000 hectares à seulement 10.800 hectares en 2023. » détaille l’ONU. Tandis que la pauvreté est extrême au sein du pays, la destruction de ces champs de pavots n’arrange pas la situation des cultivateurs. C’est le cas d’Azizoulah, ex-cultivateur de pavot : « On fait pousser du blé maintenant. Mais ça ne rapporte pas assez d’argent pour nourrir nos familles. » raconte-t-il au micro de TF1. Si la lutte contre la drogue passe par la destruction du produit, elle passe aussi par la chasse aux consommateurs. En Afghanistan, 4 millions d’individus seraient toxicomanes selon les chiffres de France Info. Une fois débusqués par les multiples rafles des Talibans, les toxicomanes sont incarcérés puis sevrés de force dans des centres de désintoxication. Pour les Talibans, il n’existe qu’un seul remède : la religion. « Pour que ces drogués deviennent à nouveau des hommes bons et stables, ils doivent prier. On les amène à la prière cinq fois par jour » explique le docteur Zabioulah Hoshmand à TF1.


Pavots à opium

Un retour sur la scène internationale


Alors que le retour des Talibans en 2021 symbolisait une fracture définitive entre l’Afghanistan et la communauté internationale, la situation semble virer de bord depuis quelque temps maintenant. Bien qu’il existe toujours une certaine forme de combativité envers le régime taliban, les relations internationales avec celui-ci se normalisent progressivement. Si l’ONU a souhaité réintégrer le régime afghan aux discussions internationales cet été à Doha, sous réserve de l’arrêt immédiat de l’apartheid de genre dans le pays, certains États et ONG continuent à lutter activement en défaveur d’un tel retour. « Les Talibans ont rendu la vie insupportable pour les femmes afghanes. Ils les ont effacées de toutes les sphères de l’existence et les ont privées de tous leurs droits et de leur dignité de façon systématique. » a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, en réaction à une procédure de justice à l’encontre de l’Afghanistan demandée par l’Allemagne, l’Australie, le Canada et les Pays-Bas le 25 septembre dernier. Chékéba Hachémi, militante afghane et présidente de l'ONG Afghanistan Libre, dénonce une volonté de « leur accorder une légitimité ». Le retour de l’Afghanistan sur la scène internationale est l’une des principales espérances du régime taliban, qui envisage d’être reconnu par la communauté internationale comme le gouvernement légitime du pays.


Palais des Nations

Thomas COLLIN


Sources : Le Monde / France Info / TF1 / ARTE / La Croix / Le Figaro / Amnesty International / TV5MONDE / Brut.